Olivier Badelon
Journée d’Orthopédie pédiatrique de l’Hôpital Américain de Paris
20 Octobre 2000
La prescription du médecin praticien est guidée par l’interrogatoire et l’examen clinique, mais il ne faut pas oublier que le radiologue est lui-même médecin et qu’il peut prescrire ou modifier cette prescription s’il découvre des éléments nouveaux.
Il faut que la prescription médicale soit détaillée et justifiée par une orientation diagnostique afin d’aider la réalisation technique de l’examen.
Cette prescription doit être mesurée en fonction de son potentiel iatrogène notamment pour tous les examens ionisants. C’est l’intérêt d’une scintigraphie osseuse pour éviter un squelette entier ou les radiographies répétitives. C’est l’intérêt de l’échographie de hanche chez le nourrisson et le nourrisson par rapport à la radiographie du bassin. C’est l’intérêt de choisir un seul cliché de référence dans le suivi des déformations de la colonne vertébrale, c’est-à-dire celui qui permet l’analyse de la déformation principale, la face pour le plan frontal et le profil pour le plan sagittal. C’est l’intérêt de l’IRM par rapport à l’arthroscanner dans l’analyse des structures cartilagineuses et intra-articulaires.
Par ailleurs il est essentiel que le médecin prescripteur soit capable d’interpréter lui-même l’examen demandé en gardant un esprit critique à la fois sur la qualité des images rendues et sur l’interprétation du radiologue. Il engage directement sa responsabilité sur l’interprétation aussi bien que le radiologue quelle que soit la qualité des images. Il doit donc être vigilant sur les limites de sa propre compétence.
LA RADIOLOGIE STANDARD
La radiologie standard reste l’examen complémentaire de base dans l’exploration de l’appareil locomoteur.
Les règles à respecter sont simples. Elles ne sont pas spécifiques à la pédiatrie mais elles méritent d’être rappelées.
* Il faut éviter les clichés inutiles.
* Chaque cliché doit être lisible et de qualité suffisante pour être reproduit.
* Chaque cliché doit être référencé avec le prénom et le nom du patient ainsi que la date de l’examen. Ces références doivent être en bordure du cliché à distance de la région explorée pour ne pas cacher une zone intéressante ou gêner une éventuelle reproduction.
- Les incidences de face et de profil doivent être bien orientées.
- Il ne faut pas hésiter à utiliser des clichés comparatifs pour étudier les membres surtout chez le petit enfant en traumatologie et de façon systématique dans l’analyse morphologique et fonctionnelle.
En traumatologie, le segment exploré doit l’être en entier en prenant l’articulation sus et sous-jacente. Les incidences obliques sont très intéressantes pour analyser les articulations et permettent dans la grande majorité des cas d’éviter un scanner, notamment dans les fractures complexes de la cheville.
En cas de douleur, il faut explorer la région douloureuse, sans hésiter à explorer le segment sus-jacent si les clichés centrés sur la région douloureuse sont normaux, car les douleurs projetées en distal sont fréquentes.
En analyse morphologique et fonctionnelle, les clichés doivent être faits au rapport 1/1 (100 %) pour permettre à la fois des mesures d’angle et de longueur, aussi bien en radiologie standard qu’en radiologie numérisée. Il doit être fait en position de fonction, c’est-à-dire en position debout pour la colonne vertébrale et les membres inférieurs.
Les clichés du rachis en entier doivent être faits les pieds parallèles et les genoux en rectitude pour éviter une bascule construite du bassin. Les épaules doivent être détendues. Il ne faut pas demander au patient de lever les bras ou d’avancer les épaules pour éviter leur superposition sur le rachis thoracique car cela modifie de façon trop importante la courbure sagittale. Il suffit de demander au patient de mettre les mains sur le ventre en dégageant les coudes pour ne pas masquer la colonne vertébrale.
INCIDENCES RECOMMANDÉES EN TRAUMATOLOGIE
* Rachis cervical Face et profil + Face bouche ouverte
+ 3/4 droit et gauche
* Rachis thoracique et lombaire Face et profil
+ 3/4 droit et gauche
* Sacrum Face et profil
* Clavicule Clavicule de face
* Épaule Face et profil
* Bras Face et profil
* Coude Face et profil
* Avant-bras Face et profil
* Poignet Face et profil
* Carpe Face et profil + 3/4
* Main et doigts Face et oblique
* Bassin Face
* Hanche Face et profil de Lauenstein
* Cuisse Face et profil
* Genou Face et profil
+ Fémoro-patellaire à 30°
* Jambe Face et profil
* Cheville Face et profil
* Pied et orteils Face et oblique
Particularités des fractures articulaires des membres
Faire des incidences de 3/4
Faire des clichés comparatifs chez les jeunes enfants
INCIDENCES RECOMMANDÉES EN MORPHOLOGIE
* Rachis cervical Face et profil + Face bouche ouverte
* Rachis thoracique et lombaire Rachis en entier de face et de profil debout
* Épaule Comparatif Face + profil axillaire et glénoïdien
* Bras Comparatif Face et profil
* Coude Comparatif Face et profil
* Avant-bras Comparatif Face et profil
* Poignet Comparatif Face paumes contre la plaque
Profil paume contre paume
* Carpe Comparatif Face paumes contre la plaque
Profil paume contre paume
* Main et doigts Comparatif Face et oblique
* Bassin & Hanche Face et profil de Lauenstein
+ Faux profil de Lequesne à partir de 8-9 ans
* Genou Comparatif Face et profil debout
+ Fémoro-patellaire à 30° et 60°
* Cheville Comparatif Face et profil debout
* Pied et orteils Comparatif Face et profil debout
Particularités des mesures de longueurs et d’angles des membres
Membres supérieurs Comparatif Face et profil en entier
Membres inférieurs Comparatif Face en entier (gonométrie)
– debout les deux rotules en position neutre
– couché les deux rotules au zénith en cas d’inégalité importante
– couché les deux rotules au zénith en cas d’attitudes vicieuses articulaires
+ profil debout segment par segment
INCIDENCES RECOMMANDÉES EN CAS DE DOULEUR
* Rachis cervical Face et profil + Face bouche ouverte
* Rachis thoracique et lombaire Rachis en entier de face et de profil debout
+ 3/4 droit et gauche de la charnière lombo-sacrée
* Épaule Comparatif Face + profil axillaire et glénoïdien
* Bras Face et profil
* Coude Comparatif Face et profil
* Avant-bras Face et profil
* Poignet Comparatif Face paumes contre la plaque
+ profil paume contre paume
* Carpe Comparatif Face paumes contre la plaque
+ oblique
* Main et doigts Comparatif Face et oblique
* Bassin & Hanche Face et profil de Lauenstein
+ éventuellement 3/4 alaire et obturateur
* Genou Comparatif Face et profil debout
+ face en position de schuss
+ fémoro-patellaire à 30 et 60°
* Cheville Comparatif Face et profil debout
+ face en flexion de 30°
* Pied et orteils Comparatif Face et profil debout
+ oblique
Pensez toujours que la douleur peut être une douleur projetée venant du segment sus-jacent.
L’ÉCHOGRAPHIE
L’Échographie est un examen non invasif, reproductible et relativement économique.
Elle est le plus souvent utilisée en complément de la radiographie standard qu’elle ne permet pas d’éviter, sauf chez le nouveau-né pour l’analyse anatomique de la hanche.
La qualité des images obtenues permet d’explorer les contours des parties molles et du squelette, notamment du squelette ostéo-cartilagineux au niveau des articulations.
Il s’agit d’un examen dynamique qui permet au radiologue d’avoir une visualisation en 3D mais les images qui sont données au médecin praticien sont des sélections qui demandent à être prudent dans leur interprétation morphologique.
En morphologie, l’indication élective est l’analyse de la hanche du nouveau-né et du nourrisson dans les trois premiers mois. Elle a l’avantage sur la radiographie de montrer les éléments cartilagineux, c’est-à-dire la tête fémorale et le pourtour du cotyle. La voie latérale reproduit la construction anatomique habituelle de la radiographie à condition de respecter de façon stricte le plan frontal passant par le centre du cotyle. Elle permet aussi de faire une étude dynamique lors du premier examen, mais sa valeur doit être relativisée par rapport à la sensibilité de l’examen clinique.
Elle est aussi très utile dans l’exploration du rachis lombo-sacré par voie postérieure chez le nouveau-né.
Chez l’enfant et l’adolescent, elle peut être utilisé pour l’analyse des torsions fémorales et jambières.
En traumatologie, l’indication élective est l’exploration des lésions tendineuses et musculaires des membres à la recherche d’une déchirure.
Elle peut aussi être un complément dans l’analyse des décollements épiphysaires du nourrisson, notamment à la naissance, ou encore à la recherche d’un hématome sous-périosté.
Elle est très intéressante pour rechercher ou vérifier l’existence d’un kyste synovial ou d’une synovite des gaines tendineuses.
En cas d’atteinte articulaire inflammatoire ou infectieuse, elle permet de rechercher de façon comparative un épanchement tout en analysant la synoviale et les parties molles voisines. Elle peut aussi être utilisée à la recherche d’un abcès sous-périosté devant un tableau d’ostéomyélite.
LA SCINTIGRAPHIE OSSEUSE
La scintigraphie osseuse est un examen qui permet d’avoir un reflet du métabolisme osseux et en particulier de la qualité de l’apport sanguin au niveau de l’os et de l’ostéogénèse.
Le technétium 99 est l’isotope le plus utilisé car sa fixation se fait de façon sélective sur le squelette et son élimination urinaire est précoce avec une demi-vie réduite à 6 heures. La dose d’irradiation moyenne au niveau de l’os est estimée à 0,5 rads ce qui correspond à 3 ou 4 clichés radiographiques standards.
Les images obtenues ne sont pas spécifiques d’une étiologie particulière. Elles permettent d’orienter vers la zone pathologique tout en délimitant son extension locale et éventuellement loco-régionale et générale.
L’hyperfixation obtenue sur les clichés précoces est le témoin d’une hypervascularisation qui correspond à des phénomènes inflammatoires.
L’hypofixation obtenue sur les clichés tardifs est le témoin d’une nécrose osseuse qui correspond à un défaut d’apport vasculaire.
Cet examen a l’avantage d’être plus sensible et surtout plus précoce que la radiographie standard dans les processus pathologiques osseux. Cela est aussi vrai pour dépister une nécrose osseuse au niveau de la hanche dans le cadre de la maladie de Legg-Calvé-Perthes que pour rechercher et localiser un foyer inflammatoire dans le cadre d’un processus infectieux ou tumoral.
Il est par contre moins sensible dans les processus extra-osseux, notamment les arthrites inflammatoires, avec une hyperfixation dans seulement un tiers des cas.
Si l’intérêt de la scintigraphie osseuse a diminué pour le suivi évolutif par rapport à l’IRM avec injection, il reste essentiel dans la démarche diagnostique pour orienter le Scanner et l’IRM.
LE SCANNER ET L’IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE NUCLÉAIRE (IRM)
Le Scanner et l’IRM sont des examens qui permettent d’analyser le corps humain sur le plan qualitatif et topographique, avec des possibilités de reconstruction qui sont de plus en plus performantes grâce aux progrès de l’informatique. Cependant ce sont encore des examens très coûteux et relativement peu accessibles dont les indications doivent être sélectionnées.
Il n’est pas question de les prescrire de première intention. Ils doivent tous les deux être ciblés vers une région anatomique précise par des radiographies standards et éventuellement une scintigraphie osseuse. Leurs indications respectives dépendent de leurs possibilités techniques et de la disponibilité des appareils. Elles demandent parfois à être associées notamment dans la pathologie tumorale pour délimiter parfaitement les limites lésionnelles et les réactions inflammatoires régionales.
Le Scanner est un examen irradiant qui est surtout intéressant pour étudier l’os. Dans notre expérience, il peut être utilisé pour analyser la torsion des membres inférieurs en préopératoire, par contre il a peu d’intérêt dans l’étude des articulations, notamment en traumatologie ostéo-articulaire, car les incidences radiologiques obliques suffisent le plus souvent. Par ailleurs l’arthro-scanner n’a pas vraiment d’indication par rapport à l’IRM qui est de plus en plus performante pour étudier le cartilage.
L’IRM a l’avantage de ne pas être irradiant. Elle est surtout intéressante pour étudier les structures ostéo-cartilagineuses et les parties molles. Elle a notre préférence pour l’analyse des articulations ainsi que du canal médullaire et des disques vertébraux Elle a maintenant complètement remplacé l’arthrographie et l’arthro-scanner pour étudier les lésions articulaires du genou, notamment méniscale, avec des images qui ne sont pas toujours très évidentes à interpréter notamment au niveau de la corne postérieure. Elle est très intéressante dans les pathologies inflammatoires ou tumorales pour compléter le Scanner afin d’étudier l’extension régionale endo-médullaire et extra-corticale.