Un talon douloureux

Observation : J. Valleteau de Moulliac pédiatre, Paris
Commentaires : O. Badelon, chirurgien orthopédiste, hôpital Américain À Neuilly et hôpital Robert-Debré À Paris

Publié dans Médecine&Enfance – Novembre 1999, P 519-520

Marine, deux ans, est amenée chez son pédiatre en mars 1999 pour une boiterie gauche, apparue brutalement sans notion de traumatisme. L’observation et l’examen de l’enfant ne permettent pas de localiser le siège de la douleur ; le pédiatre demande une radiographie de la totalité des membres inférieurs, une échographie des hanches ainsi qu’un bilan sanguin. Tous ces examens se révèlent normaux, en dehors d’une CRP augmentée à 53. Une scintigraphie est pratiquée dans un deuxième temps ; elle est également normale. Devant la persistance de la boiterie, l’enfant est adressée à un chirurgien orthopédiste. Cette consultation a lieu au bout de dix jours d’évolution. Marine refuse de poser le pied par terre ; elle est apyrétique et en bon état général par ailleurs. L’examen trouve, au niveau du pied gauche, une légère augmentation de la chaleur locale avec un petit œdème périphérique autour du talon et une dou- leur élective à la pression du calcanéum sur les faces latérales et plantaires ; le reste de l’examen clinique est normal. Le bilan sanguin montre une CRP tou- jours augmentée, à 59 ; la numération est normale. Les radiographies attestent l’existence d’une ostéolyse de la corticale plantaire du calcanéum, juste en avant du talon (figure 1).

Figure 1

Dans ce contexte, le premier diagnostic évoqué est celui d’une ostéite débutante, et il est décidé d’intervenir rapidement pour vérifier la nature de la lésion. Un scanner réalisé en préopératoire confirme l’existence d’une ostéolyse, avec une rupture corticale plantaire et externe ainsi qu’une géode plus importante, aux limites relativement nettes, au centre du calcanéum (figure 2).

Figure 2

L’indication d’une biopsie chirurgicale avec prélèvements bactériologiques et histologiques est donc confirmée. Cette intervention retrouve une petite réaction inflammatoire au niveau des muscles au contact de la lésion. La corticale fragilisée est facilement effondrée au bistouri, ouvrant sur une cavité kystique importante qui paraît relativement vide, avec quelques fragments de tissu mou d’aspect opalescent. On ne retrouve ni tissu nécrotique ni liquide purulent. Les suites opératoires sont simples. Un plâtre cruropédieux est mis en place.

Du fait de l’incertitude diagnostique et de la possibilité d’une ostéomyélite, une antibiothérapie intraveineuse associant céfotaxime et fosfomycine est mise en route en attendant les résultats des analyses bactériologiques. Celles-ci sont négatives à quarante-huit heures et le restent au bout de quatre jours. Le bilan sanguin au quatrième jour est pratiquement normal, avec une CRP nettement abaissée à 14.

A l’analyse histologique, l’aspect est évocateur d’un lipome intraosseux bien différencié. Le traitement antibiotique est interrompu dès le lendemain, et l’enfant quitte l’hôpital au cinquième jour postopératoire avec un plâtre sans appui prévu pour six semaines.

L’évolution dans les semaines suivantes est satisfaisante. Lors de la dernière consultation, soit deux mois et demi après l’intervention, Marine, après avoir boité durant plusieurs semaines, avait récupéré une motricité parfaitement normale. L’examen clinique était normal, avec un talon indolore à la pression. La radiographie de contrôle montrait un comblement complet de la zone curetée ; la corticale plantaire était normale sur toutes les incidences (figure 3).

Figure 3

L’enfant est donc aujourd’hui considérée comme guérie. Il est prévu de la revoir dans un an pour vérifier son évolution sur le plan clinique et radiographique.

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